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Saurel veut faire croire qu'il peut exiger la desserte de la gare de la Mogère par 20 TGV/jour

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16 juin 2016

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Une gare fantôme, mais Saurel multiplie les gros chèques

Depuis quelque temps, le président de la Métropole de Montpellier, Philippe Saurel, semble effrayé à l'idée que la gare de la Mogère devienne effectivement une gare fantôme. Pourtant, il avait jadis expliqué pourquoi il était contre la ZAC Oz lancée par son prédécesseur Jean-Pierre Moure, affirmé à de nombreuses reprises que la gare de la Mogère risquait d'être une gare fantôme et qu'il fallait donc être prudent, et justifié sa poursuite du projet par le seul fait qu'il était coincé et qu'en cas d'arrêt du projet la Métropole aurait le montant exorbitant de 2 milliards d'euros de pénalités à verser.

Pourtant, il ne s'est toujours pas décidé à arrêter le projet, ce qu'il pourrait aisément faire en suivant l'exemple de la Région Languedoc-Roussillon / Midi-Pyrénées, qui a suspendu ses versements et remis en question le projet.

Bien pire, Philippe Saurel enchaîne les dépenses d'argent public de la Métropole, par dizaines de millions d'euros, pour aménager les abords de la gare de la Mogère, sans savoir si elle servira. La gare fantôme sera desservie par des ponts flambants neufs pour la connecter au tramway et à l'autoroute, équipée de parkings en zone inondable (plus ou moins compensés par des bassins de rétention en amont), flanquée d'un incubateur d'entreprises, etc...

Des exigences et des menaces de procès...

Au lieu de cela, M. Saurel multiplie les menaces de procès, affirmant qu'un contrat a garanti à la Métropole de Montpellier que de nombreux TGV s'arrêteraient dans la gare de la Mogère, et réclamant que «20 TGV par jour» s'y arrêtent effectivement, sous peine de réclamer des montants extravagants («100 millions d'euros»).

Déjà, lors du Conseil de métropole du 26 mai 2016, le soir même de la réunion du comité de pilotage du Contournement de Nîmes et Montpellier, M. Saurel agitait un contrat et proférait des menaces de procès devant les conseillers de métropole (et accessoirement nous a traités d'«imbéciles»):


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Philippe Saurel a alors déclaré ceci:

Alors voilà ce à quoi nous nous sommes engagés, dans la délibération que nous avons votée sous la présidence de Jean-Pierre Moure, en 2012. On s’est engagés à participer à un peu moins de 100 millions d’euros au financement du CNM (...). Nous avons accepté de participer à un financement croisé entre la gare de Manduel et la gare de Montpellier, avec un volume de trains de voyageurs inférieur, légèrement inférieur, à 100 trains par jour. Vous entendez ce que je vous dis? 100 trains par jour, dont 80 % composés de trains de voyageurs, et 20% de fret. Voilà ce que nous avons signé.

Et c'est à ces conditions là que nous avons signé notre participation au Contournement Nîmes-Montpellier, sous la tutelle de l'autorité organisatrice de transport, qui est la Région, qui a la compétence. Si la gare de Manduel ne se fait pas, et je vais y venir dans un instant, dans la mesure où nous n’avons pas fait, et l'État et la Région d’alors, a refusé de faire le raccordement de Saint-Brès, si la gare de Manduel ne se fait pas, nous aurons construit une gare pour 1 voire 0 TGV par jour. 135 millions d'euros!
(...)

Donc j'ai demandé aux avocats de la Métropole de Montpellier de se saisir du dossier, parce que les 100 millions d’euros si, nous, on a respecté le contrat, et si, les autres autorités dans ce dossier ne l’ont pas respecté, je demanderai le remboursement à la Métropole des 100 millions d’euros, plus dommages et intérêts, pretium doloris, je suis pas juriste mais je connais un peu le droit. (...) [NB: le pretium doloris est l'indemnisation que peut obtenir une personne physique pour sa souffrance physique ou morale].

Si nous, on remplit nos engagements, et qu’on construise la gare, et je ne vois pas ce qui pourrait l’arrêter, elle est presque finie, et qu’on se retrouve sans gare de Manduel, on aura construit une gare fantôme. Et ça, moi je ne l’accepterai pas, c’est-à-dire que je demanderai des dommages et intérêts, je demanderai le remboursement d’un certain nombre d’investissements que nous avons faits. Parce que quand on a signé le CNM, notre participation au CNM, il y a une série d’engagements qui sont marqués dans le contrat. (...). Il y a notamment le nombre de trains de voyageurs, c’est-à-dire ceux qui rapportent, ceux qui font marcher les gares. (...). Il y a aussi la durée, sur la livraison des deux gares. (...). Il y a aussi le fait que RFF s’engage, par tous les moyens, à mettre une activité, à garantir une activité de la gare compatible avec sa gestion et son bon fonctionnement. C’est écrit noir sur blanc, dans le contrat. Je l’ai là, le contrat, j’ai lu ça à la Préfecture et je vais vous le lire.

Il a réitéré ses menaces, dans une interview au journal 20 Minutes du 16 juin 2016 («Y aura-t-il des TGV à la future gare TGV de la Mogère ?»), où on lit notamment ceci:

Philippe Saurel exigera des TGV

Pas question pour Philippe Saurel d’entendre parler d’un projet « fantôme » : RFF (Réseau ferré de France) lui a promis, par contrat, 20 TGV par jour, il les exigera. « Pour ça, il nous faut la gare de Manduel, note-t-il. Le projet doit être accéléré. Si dans un délai raisonnable, il n’y a pas de TGV sur la gare de la Mogère, nous demanderons le remboursement du financement. »

La réalité des engagements contractuels

Malheureusement pour M. Saurel, les contrats signés le 25 février 2012 n'incluent pas un tel engagement (voir rubrique «documents, autres que les enquêtes publiques»):


Taille    Pages  
Versions officielles signées le 25/04/2012, mais sans les annexes


* Accord-cadre 878 ko 18 p
* Convention pour le CNM 1.0 Mo 21 p
* Convention pour la gare de Montpellier-Odysseum 600 ko 15 p
* Convention pour la gare de Nîmes-Manduel 503 ko 14 p
Versions de mars 2012, non signées mais comportant les annexes

* Accord-cadre 785 ko 18 p
* Convention pour le CNM 2.9 Mo 60 p
* Convention pour la gare de Montpellier-Odysseum 1.1 Mo 32 p
* Convention pour la gare de Nîmes-Manduel 937 ko 28 p

Sur les montants: 12 millions et non 100 millions d'euros

Pour commencer, ces conventions n'engagent pas la Métropole (l'Agglomération, à l'époque de la signature) à hauteur de 100 millions d'euros, mais à hauteur de 80 millions. Voir la page 13 de l'accord-cadre pour le tableau récapitulatif.

Ensuite, la plus grande partie de ce montant concerne la réalisation du Contournement ferroviaire de Nîmes et de Montpellier: 67 M€. Personne ne contestant que cette partie du contrat est respectée, il n'y a pas lieu de rembourser quoi que ce soit.

La partie concernant la gare de la Mogère s'élève à 12 M€ seulement.

Il reste 1 M€, destiné à la gare TGV de Manduel, et compensé par 1 M€ versé par l'Agglomération de Nîmes pour la gare de la Mogère. Voici pour le «financement croisé», cette opération finalement neutre que les signataires de l'époque ont jugé utile de faire.

Sur les engagements: des sillons et non des trains

Le contrat ayant été signé par RFF, en charge de la construction des voies, mais qui ne fait circuler aucun train, il ne pouvait comporter aucun engagement sur le nombre de trains qui allaient effectivement circuler. RFF ne pouvait que s'engager sur le nombre de trains pouvant techniquement circuler sur la voie qui allait être construite.

Du reste, ce que la convention de financement de la gare de la Mogère (Montpellier-Odysseum) détaillait (page 5), c'était surtout l'imbrication entre cette gare et les projets immobiliers de la Métropole, en précisant que ce ne serait pas une gare classique où l'on prend le train et d'autres moyens de transport. Bien au contraire, elle précisait (page 7) que ce serait une gare au rabais, inutilisable pour des trains ayant leur terminus à Montpellier.

À aucun moment il n'est indiqué que la gare de la Mogère serait effectivement desservie par des trains: logique, puisque le signataire, RFF, ne fait pas circuler de trains.

Ce qui est promis (page 4), c'est qu'il y ait 2 gares (le terme «doublet de gares» permet de ne pas dire que ces gares ne sont pas en correspondances), et de permettre une augmentation de 30% du nombre de TER (donc dans la gare St-Roch) si la Région le souhaite, et une réduction du nombre de trains de fret dans les centres-villes (ce que RFF peut faire, par exemple, en imposant aux transporteurs de fret d'utiliser le CNM, ou en fixant des péages qui les encouragent à l'utiliser).

Dans l'extrait que M. Saurel a lu devant le Conseil de Métropole, il est question des investissements que RFF doit effectuer pour que les trains puissent circuler (en l'occurrence, les 30% de TER en plus sur la voie classique), et non pas de faire s'arrêter des TGV dans la gare de la Mogère

L'embranchement de St-Brès: un éternel enfumage, mais aucun engagement

Les conventions de financement de 2012 ne mentionnent pas l'embranchement de St-Brès: ni celui prévu depuis toujours dans le CNM pour desservir la gare St-Roch, ni celui (dit «St-Brès inversé») voulu par Philippe Saurel pour contourner la gare St-Roch et desservir la gare de la Mogère:

Embranchements de St-Brès (cliquer pour agrandir)
«St-Brès normal», prévu avec le CNM, pour le raccorder à la gare St-Roch «St-Brès inversé», réclamé par Saurel, pour ne plus desservir la gare St-Roch

L'Agglomération et la Préfecture s'étaient mises d'accord pour ne pas construire l'embranchement de «St-Brès normal» (par une phrase laconique, sans la moindre justification), mais pour autant il fait toujours partie du projet du CNM et il était donc normal de ne pas le mentionner dans la convention de financement.

L'embranchement «St-Brès inversé», quant à lui, est resté à l'état d'idée en l'air, dont l'impact n'a jamais été évalué. Le CNM a été construit de telle façon qu'il reste réalisable, rien de plus. Il est clair que ce serait désastreux, pour les voyageurs, qu'une partie des trains (notamment TER) ne desserve plus la gare St-Roch, et que ce serait ruineux pour la Région d'exploiter des TER desservant soit une gare, soit l'autre, mais pas les deux.

Par conséquent, M. Saurel ne peut arguer d'aucune rupture de contrat pour l'absence de construction du «St-Brès inversé».

L'évaluation socio-économique de RFF

Là où RFF a effectivement prévu un certain nombre de trains dans la gare de la Mogère, c'est dans l'évaluation socio-économique, produite lors de l'enquête publique «gare TGV» (pièce H) de septembre 2014. Mais il ne s'agit pas d'un engagement, il s'agit d'une argumentation pour faire croire que le projet est justifié. Cette argumentation (entre autres) est contestée devant le Tribunal administratif de Montpellier, au titre du recours contre la déclaration de projet de la gare TGV. La Cour des Comptes a déjà eu l'occasion de dénoncer que les estimations de trafic étaient surévaluées. Et la Métropole, si elle estime avoir été trompée par ces estimations de trafic, a parfaitement le droit de se joindre à nos conclusions devant le TA de Montpellier pour demander l'annulation la déclaration de projet de la gare.

Dernière minute: interview et intervention de Philippe Saurel

Le président de la Métropole s'exprime sur Vous Savez Tout, le 16 juin 2016, en répétant ses menaces, contre un adversaire toujours non identifié et sur des bases juridiques incertaines. Visiblement, ce qui le dérange n'est pas que la gare de la Mogère soit inutile et qu'elle fasse perdre du temps aux voyageurs, mais que son inutilité soit flagrante et qu'elle reste vide. De façon amusante, Saurel met la gare de la Mogère à 500 m à vol d'oiseau de la nouvelle mairie, alors que la distance est en réalité de 2,2 km. Ceci nous rappelle lorsqu'il disait que si le tramway desservait l'aéroport, il ne serait plus qu'à 1 km de la mer, alors qu'en réalité il serait encore à 7 km de route de la mer.

Par ailleurs Philippe Saurel a fait une brève apparition, le même jour, à la réunion de Montpellier des États Généraux du Rail et de l'Intermodalité organisés par la Région. C'est surement une coïncidence, mais l'unique intervention en faveur de la gare de la Mogère, pendant 2 heures de débat, a eu lieu juste à ce moment-là, par une architecte qui n'est pas inconnue à M. Saurel, qui a expliqué que la gare était indispensable, qu'en 2050 ce serait extraordinaire, et qu'il n'y avait pas le moindre risque d'inondation dans ce secteur.

Conclusion

On peut souhaiter bien du courage au président de la Métropole de Montpellier, et à ses avocats, s'ils s'embarquaient dans une procédure aussi aventureuse devant les tribunaux!



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