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Fin d'une «concertation» sur la ligne nouvelle Montpellier-Perpignan

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15 janvier 2021

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Aujourd'hui se terminait une «concertation» compliquée sur la LNMP, projet sur lequel SNCF-Réseau s'obstine à refuser le fret et tout embranchement entre Béziers et Perpignan: le point sur la question de Narbonne

Une «concertation publique» était annoncée par SNCF-Réseau sur le projet de Ligne nouvelle Montpellier-Perpignan (LNMP), entre le 2 novembre 2020 et le 15 janvier 2021, sur le site https://www.ligne-montpellier-perpignan.com.

La réticence habituelle de SNCF Réseau à mettre en cause ses choix faits il y a plus de 10 ans est une difficulté évidente de ce type de concertation, rendue encore plus difficile par l'épidémie du Covid qui a annulé les rencontres prévues, au profit toutefois de quelques rencontres par vidéo, qui n'ont pas vraiment permis aux citoyens et associations de faire entendre leur voix.

Plusieurs associations et fédérations ont déposé des contributions à cette occasion:

  • Contribution de FNE-LR (France Nature Environnement - Languedoc-Roussillon), qui indique:
    • que l'évaluation de l'impact environnemental du tronçon Montpellier-Béziers est insuffisant
    • que l'utilité (et donc la réalisation) de ce tronçon ne peut être analysée que dès lors que la conception du tronçon Béziers-Perpignan aura été finalisée
    • qu'il est indispensable que toute la ligne soit mixte TGV-fret, avec un tunnel sous les Corbières, et des raccordements vers les gares centrales
  • Contribution d'ASSECO (section «consommateurs» de la CFDT) d'Occitanie, qui indique:
    • que la mixité intégrale TGV-fret est primordiale
    • que si un raccordement à l'ouest de Narbonne était réellement irréalisable, l'unique alternative valable serait une gare à Nissan-lez-Ensérune, entre Béziers et Narbonne, avec correspondances ferroviaires complètes, à environ 6 mn de train de Béziers et de Narbonne
    • que le développement du fret sur l'axe littoral est une priorité au vu des conséquences de la circulation des camions sur la pollution atmosphérique, l'effet de serre, et l'usure importante que provoquent les camions sur les routes
  • Contribution de No Pasarán, qui revient en détail sur les promesses et affirmations de SNCF-Réseau, et notamment sur le débat de 2009 sur la LNMP, et indique:
    • qu'en 2009, les débats concluaient à une ligne mixte TGV-fret et en aucun cas sur une ligne 100% TGV conçue pour 350 km/h
    • que la fragilité de la ligne des étangs face à la submersion marine (nombreuses photos marquantes et très convaincantes) exige de disposer d'une alternative pour le fret
    • que la traversée des centres-villes par la totalité du fret n'est pas acceptable
    • que les gares TGV excentrées ne sont pas souhaitables, notamment à Béziers ou une gare sans correspondance est envisagée. L'hypothèse d'une gare intermédiaire entre Béziers et Narbonne doit par contre être envisagée.
  • Contribution des Verts (EELV Occitanie, commission Transports et mobilités):
    • pour une ligne mixte TGV-fret sur tout le tracé
    • sans gares TGV excentrées et avec un raccordement à l'ouest de Narbonne
    • pour construire un tunnel sous les Corbières, et limiter la pente de la voie pour faciliter la circulation du fret. L'exemple du tunnel du Perthus (ligne Perpignan-Figueras) montre que le coût peut être encadré.
    • contre le choix arbitraire, par SNCF Réseau, d'une ligne TGV «très haute vitesse» (apte à 350 km/h), ce qui complique inévitablement les raccordements et l'insertion du tracé.

Rappelons que la LNMP est un projet qui doit parachever l'axe ferroviaire TGV-fret qui existe déjà de Nîmes à Barcelone (avec des prolongements TGV vers Madrid et toute l'Espagne, une connexion fret au port de Barcelone, et une future prolongation TGV et fret sur l'axe méditerranéen en directation de Valencia), à l'exception du tronçon Montpellier-Barcelone. Ce projet est stratégique pour l'Europe, listé au «Réseau Trans-Européen - Transports» (TEN-T, selon le sigle anglais) de l'Union Européenne et à ce titre susceptible de bénéficier de subventions. Le projet est également stratégique pour la France, pour réduire le goulet d'étranglement entre Montpellier et Narbonne, ainsi que sécuriser l'axe ferroviaire Béziers-Perpignan, qui passe au ras des étangs, est régulièrement inondé ou même effondré comme le 23 octobre 2019 (la réouverture complète n'a eu lieu que le 25 novembre 2019).

Il est donc donc essentiel que:

  • l'axe soit intégralement utilisable par les TGV et les trains de fret, comme le reste de l'axe Nîmes-Barcelone,
  • qu'il y ait des points d'échange entre les deux lignes, pour permettre la circulation des trains et notamment du fret en cas d'incident,
  • et bien sûr, que les gares centrales soient correctement desservies, pour que les voyageurs ne perdent pas du temps à l'occasion de la construction d'une LGV, ce qui n'est évidemment pas acceptable.

Or le projet présenté au public n'a pas évolué par rapport aux projets envisagés il y a plus de 10 ans, et malgré les demandes de la Région Occitanie et d'autres intervenants.

L'argumentation de SNCF Réseau repose sur l'impossibilité de connecter la gare centrale de Narbonne à la LNMP en directement de Perpignan, au motif du relief (le massif des Corbières), en particulier si le tronçon Narbonne-Perpignan est accessible au fret et donc construit avec de faibles pentes, ce qui imposerait un tunnel et donc la réalisation d'un embranchement ferroviaire en tunnel. Le schéma ci-dessous illustre cette question:

Raccordement
          de la LNMP au niveau de Narbonne
Schéma du secteur de Narbonne, illustrant:
- les voies existantes (en bleu),
- le projet LNMP (en rouge),
- l'embranchement voyageurs entre la LNMP et la ligne de Toulouse (orange),
- l'absence d'embranchement vers la LNMP en direction de Perpignan (vert).
La gare TGV Narbonne-Ouest est prévue dans le cercle vert, au croisement de la LNMP avec la ligne de Toulouse
(Réalisation propre, vue 3D issue de Google Earth)

Dans ces conditions, le projet de la LNMP perd la plus grande partie de sa pertinence, étant donné que:

  • les villes principales (Béziers et Narbonne) sont mal desservies, avec des gares excentrées, sans aucune correspondance ferroviaire dans le cas de Béziers, et avec des correspondances peu fréquentes dans le cas de Narbonne
  • le refus de la mixité fret entre Béziers et Perpignan annule le but principal du projet, et rend sans doute illusoires les subventions européennes espérées
  • le refus de la mixité fret entre Béziers et l'embranchement vers Toulouse (pourtant estimé au coût, raisonnable, de 70 à 170 M€), au motif que le fret va principalement en directement de l'Espagne, interdit à tout jamais le développement du fret dans le sud de la France
  • le refus de tout raccordement entre la LNMP et la voie classique littorale, sans aucun embranchement entre Béziers-est et Perpignan, supprime toute redondance sur ce qu'on ne peut plus appeler un «doublet de lignes». Si une ligne est bloquée, l'autre ne pourra pas la dépanner.
  • la totalité du fret en direction de Perpignan et de l'Espagne devrait traverser les gares centrales de Béziers et de Narbonne, handicapant le développement d'autres trafics ferroviaires
  • alors que la submersion de la ligne des étangs n'est qu'une question de décennies et que les inondations occasionnelles vont devenir de plus en plus fréquentes, le projet ne prévoit aucune alternative, au point qu'il sera un jour obligatoire de construire une 3e ligne ferroviaire, pour remplacer la ligne actuelle qui ne sera plus utilisable: la stratégie choisie est donc le résultat d'un aveuglement total.

L'argument technique repose en réalité sur le fait que le tracé a été conçu dès le départ dans une optique «100% TGV», avec des gares TGV excentrées et sans utilisation par le fret. Ce qui aboutit, de façon logique, à un tracé qui ne permet pas facilement la création des embranchements indispensables pour permettre la mixité TGV-fret de la ligne et la desserte des gares centrales par les TGV (dont il faut rappeler que, de l'avis même de la SNCF, elles ne sont nullement saturées et peuvent facilement les accueillir).

Il est clair que la mixité TGV-fret intégrale et la desserte des gares centrales par les TGV sont des exigences primordiales, faute de quoi le projet perdrait toute sa pertinence. C'est à partir de ce postulat que le projet doit être réétudié, par exemple:

  • en réalisant le raccordement vers Perpignan même s'il est coûteux, vu son utilité considérable et son rôle hautement stratégique
  • en modifiant le tracé pour rendre le raccordement plus facilement réalisable, quitte à réduire la vitesse des trains, à cause soit d'un rayon de courbure un peu serré pour un TGV (l'impact serait mineur), soit d'une pente un peu forte pour un train de fret lourd (impact à évaluer)
  • en choisissant un tracé radicalement différent, par exemple par le sud de Narbonne. Cette option semble toutefois complexe.
  • en dernier recours, en aménageant un embranchement ferroviaire, voyageurs + fret, entre Béziers et Narbonne (à Nissan-lez-Ensérune), où serait construite une gare TGV en correspondance avec les TER fréquents de l'axe littoral ou avec des navettes spéciales. Ce choix crée une rupture de charge regrettable, mais les temps de trajets ne sont que de quelques minutes et le temps perdu peut donc être limité à condition que les correspondances soit gérées efficacement.


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